Pour un service citoyen

Actuellement, l’obligation de servir concerne tous les citoyens suisses de sexe masculin âgé de 18 à 35 ans. Celui-ci peut néanmoins être remplacé par un service civil s’il fait l’objet d’une demande motivée. En ce cas, les personnes jugées inaptes seront astreintes à la taxe militaire jusqu’à 30 ans bien qu’il soit loisible d’en diminuer le coût en effectuant des jours de protection civile. Quant aux femmes, elles en sont libérées mais elles peuvent effectuer un service sur une base volontaire.

Lors de sa création en 1848, la conscription militaire obligatoire devait permettre la levée rapide d’une armée de masse pour assurer la défense du territoire dans le climat d’insécurité qui prévalait alors sur le territoire européen. Cette menace a perduré jusqu’à la fin de la guerre froide. Pas moins de 800’000 hommes formaient alors les effectifs de l’armée suisse. Cependant, depuis la chute du Mur, le contexte géopolitique a diamétralement changé. Les effectifs de l’armée, dont l’organisation est devenue obsolète, n’ont cessé d’être revus à la baisse. Le 14 septembre dernier, le Conseil national a finalement pris position en faveur d’une armée à 100’000 hommes.

Aujourd’hui, l’armée en sureffectif remet en question le principe même de l’obligation de servir. En 2010, seuls 50% des jeunes soumis à la conscription obligatoire, soit un jeune sur cinq, ont réellement effectué leur service. Parallèlement, le service civil victime de son succès donnait lieu à des mesures dissuasives pour freiner le nombre de ceux qui s’engageaient dans la voie bleue. Au final, 35% des jeunes hommes se trouvent exemptés de tout service. Ces chiffres plaident par eux-mêmes. Il faut se rendre à l’évidence, le concept de l’obligation de servir est en crise. Le Groupe pour une Suisse sans armée s’est d’ailleurs engouffré dans la brèche en lançant une initiative pour supprimer purement et simplement l’obligation de servir de la Constitution suisse.

Cependant, les Suisses ont démontré à maintes reprises leur attachement au principe du service rendu à la collectivité et en 1996 les radicaux y ont fait un large écho en se mobilisant pour la création d’un service civil de remplacement pour les objecteurs de conscience. Il convient de poursuivre ce légitime effort de réforme et d’abonder dans le sens des jeunes suisses qui ont à cœur de s’investir utilement pour leur pays. Par ailleurs, l’évolution sociale et politique durant les dernières décennies nous conduit à repenser entièrement les principes du devoir de servir et à redéfinir ses modalités pour les ajuster aux vrais besoins de notre société. Plutôt que de conserver en l’état une conscription militaire inapplicable dans les faits, il faut au contraire promouvoir le service civil et le reconnaître comme un service à part entière.

Nous proposons l’instauration d’un service citoyen obligatoire, d’une durée de 180 jours minimum, pour tous les jeunes, hommes et femmes, suisses et étrangers, à effectuer entre 18 et 30 ans. Il s’agit tout à la fois de replacer la notion de service dans le cadre des réalités sécuritaires, sociales et démographiques de notre époque, de corriger les contingents militaires en surnombre et d’anticiper les besoins et le vieillissement de la population. Le principe de milice que nous mettons en avant apparaît dès lors comme un idéal démocratique. Il consacre l’engagement de chacun dans tous les rouages nécessaires au bon fonctionnement de la société, particulièrement en matière de politique et de défense nationale. Il renforce la cohésion nationale entre concitoyens dans une Suisse caractérisée par ses différences linguistiques et son multiculturalisme.

Le service citoyen débutera par une journée d’information. Les jeunes auront le choix entre le service militaire – dont la pénibilité supérieure appellera quelques compensations – et toute autre forme de service : entretien du patrimoine culturel et naturel, soins aux personnes âgées et dépendantes, aide pour les jeunes mères, soins à la petite enfance, protection de la nature et de l’environnement, entretien des forêts, coopération au développement et à l’aide humanitaire. De plus, seront portées également au nombre des options du service citoyen la protection civile, l’engagement au sein d’une compagnie de sapeurs-pompiers volontaires, l’enseignement extra-scolaire, les soins à domicile, l’aide aux régions de montagne et l’entretien de l’espace public. Pour des raisons politiques de défense nationale, le service militaire restera toutefois réservé aux seuls citoyens suisses. A l’heure où la pénurie de main-d’œuvre se fait cruellement sentir dans le secteur social et sanitaire, le renfort de civilistes promet d’offrir une ressource décisive.

Le service citoyen entend promouvoir activement les valeurs fondamentales d’une société démocratique tels l’engagement, la responsabilité, la solidarité et donner l’occasion à chaque jeune citoyen de se réaliser dans l’espace communautaire en prenant conscience des enjeux de notre époque. Au travers du service citoyen, les jeunes pourront bénéficier en outre d’expériences utiles sur le plan professionnel et leur engagement contribuera au maintien de relations intergénérationnelles et au bon fonctionnement de nos institutions qui jouissent d’une stabilité encore enviable. Les récentes émeutes à Londres ainsi que dans les banlieues françaises en 2005 démontrent combien la paix sociale est fragile et précaire et que des efforts doivent absolument être consentis pour la renforcer.

Nous, Jeunes PLR, voulons inventer une nouvelle expression de la solidarité et revaloriser le service à la collectivité. Nous voulons rétablir l’égalité de tous devant le devoir de servir et intégrer les jeunes femmes et les jeunes étrangers à notre projet sociétal. Nous appelons de nos vœux la création d’un service citoyen qui soit réellement utile pour la Suisse comme pour les jeunes.

Ce texte a été initialement publié dans Carnet de notes, le blog tdg d’Alexandre Jöhl

Photo: VBS/DDPS, CC BY-NC-ND 3.0 CH