Obligation de servir: de l’audace!

Quentin Adler, Alexandre Jöhl, Noémie Roten – 19 décembre 2016

L’obligation de servir doit être réformée en profondeur et devenir un service à la communauté, civil ou militaire, obligatoire pour tous, hommes et femmes, plaident les animateurs de l’Association pour la promotion du service citoyen.

Feignasse, démotivée et individualiste, la jeunesse suisse d’aujourd’hui? Les jeunes ne s’engageraient plus? La génération Y (ou Z) aurait «beaucoup plus de peine que les anciennes générations à se soumettre à une organisation fortement hiérarchisée et à s’intégrer dans un environnement où règne la discipline». C’est du moins ce que prétendent les auteurs du rapport du groupe de travail consacré au système de l’obligation de servir qui a été remis au Conseil fédéral en mars 2016.

Proposant quatre modèles alternatifs d’obligation de servir, ce groupe d’experts, largement composé de vétérans des couloirs fédéraux, s’est surtout focalisé sur une problématique trop étroite: comment garantir les effectifs de l’armée dans les années à venir.

Pas de débat de fond

La commission du Conseil national qui s’est emparée du dossier a, quant à elle, d’ores et déjà écarté tout débat de fond au sujet de l’actualisation de l’obligation de servir: elle n’entre pas en matière sur deux des quatre options de réformes proposées – les plus intéressantes pourtant – à savoir le modèle norvégien et le modèle d’un service généralisé. On en vient donc à réduire encore davantage la substance d’un rapport d’experts déjà confiné. Vive la technocratie.

De quoi les conseillers de notre Willensnation auront-ils encore à débattre? De solutions à l’emporte-pièce, de la barbe à papa. Leurs suggestions? Inviter les femmes lors de la journée d’information, édulcorer le service militaire en offrant quelques douceurs ou encore rendre le service civil moins attractif.

Ni paresseuse ni inactive

Si les nouvelles générations semblent avoir «plus de peine que les anciennes […] à s’intégrer dans un environnement où règne la discipline», ce pourrait être, comme l’expliquait la philosophe genevoise Jeanne Hersch, que «[…] les rites de la discipline ne peuvent s’imposer [à des hommes civilisés] que par leur sens et leur finalité». De fait, si les jeunes ne perçoivent plus le sens et la finalité de ce qu’ils font, ils ne s’y engagent plus.

La jeunesse est loin d’être paresseuse et inactive. Il suffit d’observer la quantité et la qualité de contenus travaillés, mis librement à la disposition de tous sur la toile: les jeunes produisent énormément et partagent beaucoup, dès qu’ils perçoivent du sens à leur activité.

Nouveau souffle

Le véritable problème aujourd’hui, c’est que l’obligation de servir ne s’inscrit plus dans une vision en phase avec notre temps et les besoins des membres de notre société. Il faudrait insuffler un nouveau souffle à l’obligation de servir, et non procéder à quelques retouches cosmétiques.

Pour ce faire, il faut revaloriser le principe de milice (Milizprinzip) qui constitue un socle fondamental sur lequel repose le modèle helvétique et permet d’agir avec élan en faveur de notre souveraineté et du bien commun.

En tant que citoyens, nous voudrions que la politique s’affranchisse de temps en temps du management et tende vers l’entrepreneurship. Des prises de risques; des paris sur l’avenir, car celui-ci est sérieux.

Aller plus loin

Il faut évidemment que notre armée reste opérationnelle pour garantir nos libertés face aux catastrophes et aux crises qui surviendront. Mais il faut aller plus loin que l’impératif de la défense nationale: à chaque membre de notre société incombe la charge de participer à la bonne exécution des affaires publiques.

La milice est au cœur du système de gouvernance suisse; c’est l’autogestion, un remède efficace contre la technocratie et la fonctionnarisation. Nous confions déjà aux hommes de nos terres la préservation de notre souveraineté nationale. Pourquoi dès lors ne pas confier aux citoyens de notre pays, en sus de cet intérêt impératif, d’autres tâches collectives exigeantes, comme par exemple l’aide aux personnes, le soutien agricole ou l’administration publique?

Service obligatoire pour les hommes comme pour les femmes

Dans cette optique, pour régénérer l’esprit de milice, commençons par redessiner l’obligation de servir, en instaurant au niveau constitutionnel un service citoyen au travers duquel tout citoyen – femme ou homme – serait responsable du bien commun. Les tâches seraient diversifiées et redéfinies en fonction des nouveaux besoins populaires, émergeant par exemple de l’évolution démographique, technologique ou des changements climatiques; la sécurité nationale s’en trouverait améliorée et la fonctionnarisation diminuée.

«Un pour tous, tous pour un»; ainsi va la devise confédérale. Alors, concitoyens, il nous revient de retrousser les manches et de lacer nos souliers au service de nos communautés; par esprit de solidarité active, sans intermédiaire d’argent.

Et si la question n’intéresse pas nos responsables politiques, tant pis; nous compterons sur l’activisme citoyen, soit le nôtre, pour redéfinir intelligemment notre obligation de servir.

Cet article est paru dans le Temps, le 19 décembre 2016

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